Le jeûne est une approche thérapeutique naturelle qui peut être envisagé comme thérapie complémentaire pour un certain nombre de troubles, mais il peut également être contre-indiqué dans certains cas.

Comme ce sont des questions que l’on me pose régulièrement je reviens dans cet article sur l’hypothyroïdie en présentant de manière synthétique le fonctionnement de la thyroïde et en proposant des repères pour éclairer le choix de la pratique ou non du jeûne dans ce type de cas.

 

Qu’est-ce que l’hypothyroïdie

On parle d’hypothyroïdie lorsqu’il y a une insuffisance de production d’hormones par la thyroïde ou dans certains cas quand ces hormones, même produite en quantité suivante, n’agissent pas suffisamment dans l’organisme. L’hypothyroïdie touche plus les femmes que le hommes, en particulier après 50 ans, et les personnes qui ont des antécédents familiaux de troubles de la thyroïde ou de maladie auto-immune [1].

La production d’hormones thyroïdiennes est régulée par différents organes souvent regroupés sous le nom d’axe hypothalamo-hypohyso-thyroïdien. Dans le cerveau l’hypothalamus sécrète la TRH, thyrotropin-releasing hormone, qui indique à la glande hypophyse de produire à son tour de la TSH, thyroid stimulating hormone, qui agit directement sur la thyroïde pour activer la libération des hormones thyroïdiennes T3 (triiodothyronine) et T4 (thyroxine). La T3 est la forme active produite en petite quantité et la T4 est la forme inactive produite en grande quantité et qui peut être convertie en T3 suivant les besoins. T3 et T4 sont produites à partir d’iode qui est indispensable à leur synthèse. L’axe hypothalamo-hypohyso-thyroïdien analyse en permanence les taux de T3 et T4 pour activer ou freiner leur sécrétion en faisant varier le taux de TSH [2,3].

Les actions directes et indirectes des hormones thyroïdiennes sont nombreuses et fondamentales pour le fonctionnement de l’organisme. Elles régulent par exemple la dépense énergétique, la température du corps, le rythme cardiaque, la digestion et influence la gestion du poids.

 

Les symptômes et les causes d’une hypothyroïdie

Manquer d’hormones thyroïdiennes peut provoquer des symptômes variables dans leurs formes et leurs intensités, provoqués par le ralentissement du métabolisme, avec par exemple : fatigue, troubles du sommeil, frilosité, prise de poids, pâleur cutanée, raideur musculaire, troubles de l’humeur ou œdèmes. Cependant certaines personnes ne présentent aucun symptôme et seul un bilan sanguin permet d’établir un diagnostic. On parle d’une hypothyroïdie franche quand le niveau de T3 et T4 est abaissé et celui de TSH augmenté et d’hypothyroïdie frustre quand le niveau de T3 et T4 est normal et celui de TSH augmenté (valeurs habituelles de TSH : 0,15 à 4,9 UI/ml suivant les personnes et la technique utilisée).

La carence en iode est une des causes principales d’hypothyroïdie dans le monde mais elle est rare dans les pays industrialisés où le sel de table est enrichi en iode. D’autres causes peuvent donc provoquer une hypothyroïdie comme par exemple :

  • Une thyroïdite infectieuse ou auto-immune comme celle de Hashimoto qui provoque la destruction de la thyroïde par le système immunitaire
  • Une prédisposition génétique qui perturbe la libération des hormones par la thyroïde
  • Un mauvais fonctionnement de l’hypophyse ou de l’hypothalamus empêchant la thyroïde d’être correctement stimulée
  • Des substances étrangères comme certains médicaments, pesticides ou radiations
  • Une chirurgie pour retirer une partie ou la totalité de la thyroïde en cas de nodules, tumeur ou cancer
  • Un stress ou un choc émotionnel intense qui peut affecter le fonctionnement du système nerveux et du système hormonal

L’hypothyroïdie est généralement prise en charge et corrigée médicalement par la prise quotidienne de médicament apportant les hormones manquantes (thyroxine principalement).

 

Jeûne et hypothyroïdie

Lors du jeûne le corps change de source d’énergie, les glucides sont remplacés par les corps cétoniques fabriqués à partir des graisses et par l’utilisation d’une petite quantité de protéines. C’est pour cette raison que lors d’un jeûne un certain nombre de paramètres sanguins voient souvent leurs taux se normaliser : triglycérides, LDL cholestérol, glucose, insuline, certaines hormones, … [4,5]

En forçant le corps à puiser dans ses réserves le jeûne favorise l’autodigestion, phénomène d’autophagie, ce qui va détruire des molécules pouvant être sources de troubles importants comme par exemple les produit de glycation (les AGEs pour advanced glycation endproducts), molécules « caramélisées » ayant perdu leurs fonctions biologiques, ou des complexes immunitaires. Ainsi le jeûne contribue de manière importante au bon fonctionnement cellulaire par le nettoyage des liquides intra et extra cellulaires, la stimulation de la microcirculation et la diminution des phénomènes inflammatoires [6]. Les personnes en hypothyroïdie, en fonction de la cause du trouble, peuvent donc voir leur fonctionnement hormonal s’améliorer à la suite d’un jeûne car l’hypophyse et la thyroïde, moins inflammées, mieux vascularisées et nettoyées d’éventuelles substances perturbatrices, peuvent mieux fonctionner. Tous les bénéfices du jeûne seront également renforcés par la qualité de la reprise alimentaire et la mise en place d’une nouvelle hygiène de vie où une alimentation de qualité, l’activité physique et la gestion du stress auront quotidiennement leurs places.

Ainsi l’hypothyroïdie n’est pas en soi une contre-indication à la pratique du jeûne, en particulier de courte ou moyenne durée, car à la différence de l’hyperthyroïdie les formes graves sont rares. Il est également possible d’évaluer sa capacité à jeûner en pratiquant régulièrement des monodiètes (consommation d’un seul aliment simple sur 24 à 48h) ou des jeûnes intermittents (jeûner une journée ou absence de repas le soir et reprise alimentaire au repas du midi le jour suivant).

Cependant comme l’hyporthyroïdie peut avoir des causes et des effets variables d’une personne à une autre, il est toujours important d’évaluer sa situation personnelle et l’éventuelle adaptation ou suppression de son traitement avec son médecin en prévision d’un jeûne.

 

Sources :

  1. Estaquio C, Castetbon K, Valeix P. Maladies thyroïdiennes dans la cohorte SU.VI.MAX Estimation de leur incidence et des facteurs de risque associés, 1994-2002. Saint-Maurice (Fra) : Institut de veille sanitaire et Université Paris 13, 2009 : p.
  2. Barnes B. Hypothyroidism: The Unsuspected Illness. 1 edition. New York : Harper, 1976 : 308 p.
  3. Sviridonova MA, Fadeyev VV, Sych YP, et al. Clinical significance of TSH circadian variability in patients with hypothyroidism. Endocr. Res. 2013 ; 38 : 24–31.
  4. Boelen A, Wiersinga WM, Fliers E. Fasting-induced changes in the hypothalamus-pituitary-thyroid axis. Thyroid Off. J. Am. Thyroid Assoc. 2008 ; 18 : 123–129.
  5. Fliers E, Kalsbeek A, Boelen A. Beyond the fixed setpoint of the hypothalamus-pituitary-thyroid axis. Eur. J. Endocrinol. 2014 ; 171 : R197-208.
  6. Wilhelmi de Toledo F, Hohler H, Irniger N. L’art de jeûner: manuel du jeûne thérapeutique Buchinger. Bernex (Suisse) : Jouvence, 2014 : p.