Les questions sur le soja reviennent très régulièrement dans mes accompagnements naturopathiques : est-ce utile d’en manger ? Suis-je obligé d’en manger si mon alimentation est uniquement végétale ? Cela va t-il augmenter ou réduire le risque de cancer ou perturber mon cycle menstruel ou ma fertilité ? Mon garçon va t-il avoir les seins qui vont pousser si il mange des yaourts de soja ? Toutes ces questions sont légitimes mais elles ont toutes comme base des controverses qui reposent plus sur des « on-dit » ou des « légendes urbaines » que sur des bases scientifiques.

Le soja c’est quoi ?

Le soja est une plante de la famille des légumineuses (Fabaceae), originaire d’Asie de l’Est, largement cultivée pour ses graines riches en protéines et en huile. Elle est utilisée dans de nombreuses traditions culinaires à travers le monde et est à la base de beaucoup de produits alimentaires. Le soja est souvent transformé en produits tels que le tofu, le lait de soja, la sauce soja, le tempeh et divers substituts de viande à base de protéines d’origine végétale. En plus d’être une source importante de protéines, le soja est également riche en acides gras essentiels, en fibres, en vitamines et en minéraux. Elle est souvent utilisée dans l’alimentation végétarienne et végétalienne en raison de ses propriétés nutritionnelles, mais le soja est maintenant présent dans l’alimentation occidentale en général. Le soja est même utilisé depuis plus de 100 ans dans certaines préparations pour nourrissons dans les situations d’allergie aux protéines du lait de vache ou d’intolérance au lactose.

Perturbateur endocrinien ou pas ?

Oui le soja, comme beaucoup d’aliments ou de plantes, est un perturbateur endocrinien mais ici le mot « perturbateur » n’a pas forcément la connotation négative que nous pourrions imaginer comme celle à laquelle on pense avec des molécules chimiques comme le Bisphénol A par exemple. Le soja contient des isoflavones, comme la génistéine, la daidzéine et la glycitéine qui sont susceptibles d’induire dans le corps des effets comparables aux œstrogènes en raison de leur similitude structurale.

En effet ces molécules végétales, les isoflavones1, appelées à tord « phyto-œstrogènes« , ont une forme géométrique en 3D semblable aux œstrogènes du corps, mais aucune proximité biochimique. Pour utiliser une métaphore, les isoflavones du soja ont la même forme que la clé habituelle qui « ouvre » la serrure de la cellule, mais ne sont pas fait du même métal et donc ils ne fonctionnent pas exactement de la même manière.

C’est pour cela qu’il est préférable de les nommer modulateurs sélectifs des récepteurs aux œstrogènes (SERM) car les isoflavones ne se fixent pas de la même manière aux récepteurs aux œstrogènes et n’ont pas les mêmes actions.

Comment fonctionnent les isoflavones du soja ?

Aujourd’hui la littérature scientifique2 sur le sujet3 est très abondante et balaye assez largement les idées reçues où les intérêts commerciaux qui auraient tendance à vouloir obligatoirement chasser le soja de l’assiette de celles et ceux qui souhaiteraient en manger4.

Dans notre corps, plusieurs tissus sont sensibles aux œstrogènes (utérus, seins, os, cœur, cerveau, prostate, etc.), mais les cellules qui les composent ont à leur surface plusieurs types de récepteurs aux œstrogènes avec des mécanismes d’action différents. Certains récepteurs, les alphas, favorisent la multiplication cellulaire (et la prolifération dans certains types de cancer du sein), alors que d’autres, les bêtas, favoriseraient les actions anti-prolifératives56.

La méconnaissance du mécanisme différent des isoflavones du soja par rapport aux vrais œstrogènes que notre corps produit ou que l’on peut retrouver dans les laits animaux par exemple, est à l’origine très souvent de cette confusion qui nourrit la controverse au sujet du soja.

Les isoflavones du soja ne se fixent pas sur les mêmes récepteurs et leurs actions sont différentes en intensité comme au niveau réponse cellulaire. Ainsi les isoflavones sont faiblement actifs en comparaison des œstrogènes, 1000 à 10000 fois moindre que le bêta-œstradiol à dose équivalente7. Ces propriétés les font utiliser dans certaines situations comme approche complémentaire, de type « hormonothérapie » dans le cadre des symptômes de la ménopause (ici ce sera la petite action hormonale qui sera recherchée) ou « anti-hormones » dans certains types de cancers hormono-dépendants où ils prendront la place des vraies œstrogènes sur les récepteurs des cellules pour en réduire l’action négative.

Dans la prolifération cellulaire, si nous prenons les tissus des seins par exemple, la génistéine du soja se fixe sur les récepteurs bêta aux œstrogènes et inhibent la prolifération et sont pro-apoptotiques (favorisent la mort cellulaire naturelle des cellules endommagées). De plus, la génistéine est antagoniste des récepteurs alpha et là aussi freine la prolifération cellulaire8.

Le soja, bénéfique ou pas ?

Tous les éléments listés précédemment sont donc plutôt en faveur d’actions protectrices dans la boite à outils des démarches complémentaires de lutte contre les cancers hormono-dépendants et certains troubles hormonaux. Cependant l’action effective pour chaque personne dépendra comme souvent de son terrain personnel et de sa situation médicale spécifique qu’il est toujours essentiel d’aborder avec son médecin.

Lait de soja

En particulier, le fonctionnement intestinal et l’équilibre du microbiote sera important car ce sont nos bactéries intestinales qui vont transformer les isoflavones du soja en composés actifs et protecteurs. Peut-être que dans certaines situations il sera nécessaire d’apporter ces molécules directement sous forme de compléments alimentaires plutôt que dans l’alimentation par exemple.

Néanmoins globalement le recule dont nous disposons sur l’usage alimentaire du soja sur les populations asiatiques depuis plusieurs centaines d’années et son usage depuis plus de 100 ans en occident dans des préparations pour nourrissons, en font un aliment que l’on peut consommer sereinement si on le souhaite.

Dois-je manger du soja ?

Le soja comme aliment n’est pas indispensable à une alimentation équilibrée, même dans le cas d’une alimentation végétalienne. Ce sont vos envies gustatives, culinaires et votre situation personnelle, en lien avec l’avis de votre médecin si votre état de santé le nécessite, qui vont guider vos choix.

Les occidentaux peuvent tirer les mêmes bénéfices d’une consommation de soja que les populations asiatiques9. Aujourd’hui l’offre de produits alimentaires est multiple, qu’ils soient fermentés comme le tempé, le miso ou la sauce de soja, caillés comme le tofu, ou le lait de soja préparé à partir de graines trempées, dépelliculées, broyées, mélangées à de l’eau, puis cuites.

Il faut cependant garder en tête que comme tout aliment source de protéines, le risque allergique peut être présent même si le soja arrive souvent loin derrière d’autres aliments, les deux principaux aliments sources d’allergies étant les protéines de lait de vache et les œufs. Parfois la question des anti-nutriments (molécules interférant avec l’absorption des nutriments, comme les saponines ou l’acide-phytique) contenus dans le soja peut aussi se poser, mais la transformation, la cuisson ou la fermentation du soja réduisent fortement ce problème, qui d’ailleurs n’en est plus un quand le soja est juste un aliment parmi d’autres dans une alimentation variée.

Pour terminer, en se basant sur les recommandations de certains professionnels de santé en France, pour des bénéfices en prévention, environ 30 à 40mg d’isoflavones par jour, soit environ 120 à 150g de soja (tofu, yaourt de soja, soja fermenté, etc.) pourrait être intéressants10.

Si vous vous posez des questions sur votre alimentation, si vous souhaitez l’équilibrer ou l’adapter à vos besoins et objectifs personnels, je peux vous y accompagner dans le cadre de mes accompagnements naturopathiques. N’hésitez pas à me contacter ou à prendre un rendez-vous de bilan naturopathique à mon cabinet de Francheville ou en téléconsultation en visio.

Bon appétit 😉


  1. https://www.vidal.fr/parapharmacie/complements-alimentaires/isoflavones-phytoestrogenes.html ↩︎
  2. Wu AH, Yu MC, Tseng CC, Pike MC. Epidemiology of soy exposures and breast cancer risk. Br J Cancer. 2008 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18182974/ ↩︎
  3. Adlercreutz H, Mazur W. Phyto-oestrogens and Western diseases. Ann Med. 1997 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9187225/ ↩︎
  4. Ziegler RG, Hoover RN, Pike MC, Hildesheim A, Nomura AM, West DW, Wu-Williams AH, Kolonel LN, Horn-Ross PL, Rosenthal JF, Hyer MB. Migration patterns and breast cancer risk in Asian-American women. J Natl Cancer Inst. 1993 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8230262/ ↩︎
  5. Hwang CS, Kwak HS, Lim HJ, Lee SH, Kang YS, Choe TB, Hur HG, Han KO. Isoflavone metabolites and their in vitro dual functions: they can act as an estrogenic agonist or antagonist depending on the estrogen concentration. J Steroid Biochem Mol Biol. 2006 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16965913/ ↩︎
  6. McCarty MF. Isoflavones made simple – genistein’s agonist activity for the beta-type estrogen receptor mediates their health benefits. Med Hypotheses. 2006 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16513288/ ↩︎
  7. Soja, isoflavones et cancer du sein https://www.edimark.fr/revues/correspondances-en-metabolismes-hormones-diabetes-nutrition/n-10-decembre-2015-copy/soja-isoflavones-et-cancer-du-sein ↩︎
  8. McCarty MF. Isoflavones made simple – genistein’s agonist activity for the beta-type estrogen receptor mediates their health benefits. Med Hypotheses. 2006 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16513288/ ↩︎
  9. Verheus M, van Gils CH, Keinan-Boker L, Grace PB, Bingham SA, Peeters PH. Plasma phytoestrogens and subsequent breast cancer risk. J Clin Oncol. 2007 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17200150/ ↩︎
  10. Oncologie intégrative – Du cancer à la santé – Jean-Loup Mouysset (EAN13 : 9782703312246) novembre 2023 https://www.editions-dangles.fr/produit/796/9782703312246/oncologie-integrative ↩︎